RISQUES POUR LA SANTE DES PROFESSIONNELS EXPOSES AUX PRODUITS UTILISES DANS LES ACTIVITES DE SOIN ET DE DECORATION DE L’ONGLE
Résumé des résultats de l’expertise de l’ANSES (Octobre 2017)

Les activités de soin et de décoration de l’ongle sont réalisées par des prothésistes ongulaires et des esthéticiennes. Cette population, majoritairement féminine, se répartit dans toutes les classes d’âge, principalement entre 18 et 35 ans. Ces professionnels sont amenés à réaliser divers types de soins et de décoration de l’ongle : pose de vernis classique ou semi-permanent, soins de manucure et pose de prothèses ongulaires par différentes techniques (technique « gel », technique « résine », …), stylisme ongulaire.

Substances identifiées

Ont été identifiées environ 700 substances présentes dans la composition des produits utilisés ou dans les atmosphères de travail ce qui illustre la problématique de la multi-exposition aux agents chimiques de ces professionnels.

  • 60 de ces 700 substances ont été jugées très préoccupantes de par leur classe de danger (classification cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction (CMR), sensibilisant et/ou inscrite sur une liste de perturbateurs endocriniens potentiels)  parmi lesquelles se retrouvent : des (méth)acrylates, des phtalates, des parabènes, des cétones, des aldéhydes, des alcanes, des alcools aromatiques, des siloxanes, des dérivés chlorés, des amines aromatiques, des dérivés benzéniques, des terpènes, , des peroxydes, des dérivés phosphorés, des amides,des dérivés d’acides, des résines, des composés inorganiques.
  • 90 autres substances sont jugées préoccupantes, parmi lesquelles une vingtaine d’hydrocarbures aliphatiques et alicycliques, des alcools, des dérivés benzéniques, des cétones…

A noter que le toluène qui est interdit dans les produits cosmétiques ne l’est pas dans les produits pour ongles.

Les professionnels de ce secteur sont aussi exposés à des particules provenant d’opérations de ponçage de l’ongle et des résines dont les caractéristiques chimiques et granulométriques sont méconnues.

Pathologies diagnostiquées :

  • les affections cutanées, incluant principalement des dermatites allergiques de contact,
  • les affections des voies respiratoires et ORL, incluant principalement des asthmes,
  • les céphalées,
  • les troubles musculo-squelettiques, incluant principalement des troubles liés à des postures assises prolongées et fréquentes et à des mouvements répétitifs de la main, du poignet ou de l’avant-bras.

Dans plus de la moitié des cas, la pathologie diagnostiquée est imputée à l’exposition à la famille des méthacrylates sensibilisants, irritants voire neurotoxiques.

MOYENS DE PREVENTION

Les mesures de protection pour la prévention du risque chimique telles que la ventilation générale, la ventilation localisée de type table aspirante, le port de gants et de masques de protection contre les poussières, sont peu mises en œuvre par les professionnels. Ceci est d’autant plus critique que les locaux sont le plus souvent de petite taille.

Recommandations de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail)

  • aux professionnels exerçant une activité de soin et de décoration de l’ongle : renforcer la mise en œuvre de mesures de prévention du risque chimique, afin de réduire les expositions à des agents chimiques dangereux au minimum : recherche de produits de substitution, utilisation de tables aspirantes et port d’équipements de protection individuelle adaptés ;
  • aux metteurs sur le marché de produits cosmétiques destinés aux activités de soin et de décoration de l’ongle : mettre en œuvre à court et moyen termes le développement et/ou le remplacement de produits afin de supprimer les expositions à la source de différents agents chimiques dangereux, en particulier les monomères méthacryliques polymérisables, le toluène, l’acétaldéhyde,… ; en seconde intention,développer des produits/techniques avec lesquels le professionnel n’entrerait pas en contact (« no-touch ») dans les cas où la substitution de l’agent dangereux ne pourrait être possible techniquement ;
  • aux pouvoirs publics : s’assurer que l’évaluation des risques des professionnels soit :
    • réalisée par les metteurs sur le marché ;
    • systématiquement prise en compte dans le cadre des évaluations de la sécurité chimique des ingrédients cosmétiques réalisées par le comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs.

Formation diplômante harmonisée pour toute personne amenée à exercer une activité de pose de prothèses ongulaires, incluant un module sur la prévention des risques professionnels et les bonnes pratiques de travail.

 En matière de recherche, nécessité d’améliorer les connaissances sur les effets et les expositions ainsi que sur sur l’état de santé de cette population professionnelle et son évolution, concernant entre autres le risque de sensibilisation, de dermatites allergiques de contact, d’asthmes, d’issues indésirables en matière de reproduction et de développement, de pathologies neurologiques, de pathologies auto-immunes voire de cancers.

Pour la cellule THSE  le 16/01/2018, P. CHASSAGNE